Ntyafmbl, The Delano Orchestra, 2010
Kütu Folk
Un excellent cd a toujours plusieurs particularités, aussi bien sur la forme que sur le fond...Très long ou très court, original ou efficace, subtile ou puissant, bref...Souvent une caractéristique principale que l'on pourrait qualifier de « trouvaille » deviendrait une identité pour les cds qui font date. Il est vrai, et cela se vérifie, qu'un bon cd est discernable à sa forme. Un cd avec des durées de morceaux extrêmement variables, c'est la marque des grands albums. En effet de ce genre de format découle forcément un véritable style, une inspiration particulière. Un album à l'intérieur duquel un morceau de moins d'une minute côtoie un morceau de plus d'un quart d'heure vous pouvez être sûr que ça ne sera pas du Sardou ni du Bruel, et c'est déjà presque un gage de qualité...
Quelle ne fut pas ma joie lorsque je découvris le format de ntyafmbl! 46 minutes, neuf titres. Je croisai alors les doigts dans l'espoir que mon paradigme se vérifie de nouveau... Mais attaquons un peu le fond de l'album: Première constatation, Alexandre Rochon ne chuchote (murmure) plus trop, il ouvre (enfin) la bouche, pour laisser place à un véritable chant, à une voix, étouffée certes, mais qui s'exprime réellement pour la première fois, notamment sur le morceau d'ouverture du cd « Not An Ending ». De plus, exit les nappes électro de 3 minutes sans grand intérêt, ce sont maintenant des riffs de guitares joliment exposés dans cet univers de « rock ambient » qui sont de mise. Attention The Delano Orchestra ne se renie pas pour autant, c'est toujours à mi-chemin entre la plus forte des joies et la plus lourde des tristesses que le groupe clermontois évolue. Ntyafmbl est une sorte de clair-obscur: passer de la plus intense sensation de bien être (« seawater ») à la plus sombre des pensées (« Someone I Could Not Hurt »). En fait Ntyafmbl est un long, épineux mais épique chemin jusqu'à l'apologie finale de l'instrumental sur le morceau éponyme.
Le style de Delano Orchestra s'affine de cd en cd. Il y a deux ans lorsque sortait « A little girl, a little boy and all the snails they have drawn » c'était du folk intimiste, plus ou moins accessible. Un an plus tard sortait « Will Anyone else leave me? », apparition de morceau plus rock (trop?) mais aussi d'un style de folk de plus en plus particulier, très cher au « kütu folk » et c'est enfin sur « Ntyafmbl » que Delano Orchestra trouve le juste milieu entre rythmique accrocheuse, folk noir, mélodies clairvoyantes et une touche d'expérimental: du beau boulot. Du très beau même, tellement beau qu'ils ont décidé d'enregistrer une plage de 9 secondes (« slow motion ») où il ne se passe absolument rien (excepté un misérable « bip »). Prétention? Éclair de génie? Ou ont-ils tout simplement voulu imiter A silver Mt Zion (le canadien a effectivement enregistré un morceau de 5 secondes, qui est à ma connaissance, un record )? Le Kütu Folk, label clermontois co-créé par Alexandre Rochon en 2006.Spécificité? Des pochettes cousues main. Si si... Mais ne nous arrêtons pas à ce genre de détails. Le groupe clermontois labellisé Kütu Folk depuis maintenant quelques années vient de réaliser son meilleur album, et ça, surpasser « a little girl... » en qualité et en intérêt, fallait le faire. Et vous savez quoi? Il respecte mon paradigme! En plus d'être d'être original, efficace, puissant et subtil il est à la fois très long et très court grâce à son titre. « Now That You Are Free My Beloved Love » qu'Alexandre Rochon a préféré contracter en « Ntyafmbl ».
A quand la renommée qu'ils méritent tant? Leur place au panthéon des grands groupes qui ont marqué la musique en France? On dit qu'aujourd'hui à l'heure d'internet, ceux qui ont du talent sont forcément reconnus...amis clermontois écoutez donc mon conseil: serrez les dents, croisez les doigts et vous passerez bientôt au grand journal, allez courage, c'est ça aujourd'hui la consécration artistique! Mark Linkous et Andy Warhol seront heureux!
(ah! par contre, ce groupe est quand même bien la preuve que c'est mieux de prendre un vrai batteur plutôt qu'un pote qui sait taper presque en rythme sur des caisses et des briques)
Première parution "Pasteur Déchainé" octobre 2010
Il y a 12 ans
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