dimanche 15 janvier 2012

Constellation


Le Label Constellation Records

Il y a label indépendant et label indépendant.   
Il y a ceux qui vivotent et espèrent vendre 1000 albums par an. Ceux là font de la folk et  sont déprimés. Prenons l'exemple régional du Kütu Folk. Alexandre Rochon (le fondateur) vit avec 3€ par mois et se contente d'amour et d'eau fraîche (et aussi de donner des cours de droit, mais c'est une autre histoire). Fiers de leur indépendance. Et puis de toute façon la qualité, viendra plus tard... avec le temps... On pourrait les définir  avec ce vers de Bertrand Cantat "et on s'embrasse quand même et puis on a raison"                                                                                                                                        
Et il y a les combatifs. Ceux qui profitent de chaque cd pour attaquer le système capitaliste. Un combat de tous les instants pour des labels qui utilisent la musique pour faire évoluer  et transmettre leurs idéaux politiques. Je suppose qu'il est inutile de préciser que ces labels sont rarement de "droite".
Mile End, le quartier  populaire de Montréal où s'est établi Constellation
C'est donc le cas de Constellation Records. Label canadien fondé en 1997 au sein de la ville de Montréal. Le projet de départ était simple: garantir un accès à la musique à tous. Nourri de contre-culture et de musique indépendante, Constellation a vivoté quelques temps avant de devoir arrêter son activité à cause des nombreux problèmes liés à la bureaucratie et aux finances. Mais les alters mondialistes du nom de Ian Ilavsky et Don Wilke (les papas de Constellation) ont la peau dure et de la suite dans les idées. Ils commencent alors à organiser des séries de concerts, des tremplins... et grâce à la signature de quelques petits groupes comme Godspeed You! Black Emperor, Constellation va renaître de ses cendres et c'est tout feu tout flamme qu'ils annoncent leur nouvelle ligne de conduite: anti-capitaliste, anti-mondialisation et surtout autogestionnaire. Ce dernier point est important car c'est à partir de cette autogestion qu'ils vont développer l'idée de redonner une éthique à la musique "indie", qui est alors pour eux dans un piètre état. C'est avec leur procédé autogestionnaire qu'ils veulent montrer qu'une autre musique, non formaté, est possible. C'est par la production culturelle qu'ils vont critiquer les grands monstres affamés et aseptisants du nom de Warner, Sony ou Universal.
Longtemps Constellation travailla directement avec les disquaires en évitant toujours les intermédiaires. Mais depuis 2004, il est maintenant possible de trouver des cds labelisés Constellation sur amazon. Ils ont vendu peut être leurs âmes au diable, mais ils vont fêter leurs 15 ans cette année. Et un label indépendant qui atteint cet âge, c'est magnifique.
C'est qu'il a fallu se faire un nom.A Montreal c'était gagné. Mais au niveau national, continental et enfin mondial, ce n'était pas fait. Et ouais, parce que lorsqu'on parle de la musique canadienne on ne pense pas forcément à la scène post rock québécoise de la fin des années 90 et 2000. Il y a d'abord Neil Young, Leonard Cohen puis désormais Arcade Fire, et la tripotée d'indépendants canadiens anglophones (Broken Social Scene, The Unicorns, Islands, Patrick Watson parmi tant d'autres).


Quelques Groupes.                                                                                                                                                            Et puis s'ils ont atteint cet âge canonique, vous pouvez me croire, ce n'est pas grâce à leur chiffre d'affaire. Constellation n'a pas fait signer beaucoup de groupes et c'est également là où réside leur force. Les groupes qu'ils font signer aiment bien cotoyer le club très select des "meilleurs groupes du monde". En effet, citons quelques noms:
Stuart Stapple, leader de Tindersticks
Les Anglais de Tindersticks pour leur deux derniers albums "Falling Down A mountain" et "The hungry Saw" et le prochain très attendu "the something rain" qui sortira en mars. Cds se démarquant, entre autre, par la richesse de l'orchestration et les trésors de production qui font de Tindersticks l'un des groupes les plus maniaques de ces dernières années.                                                                                                                                
Si le Québec se place en tête des régions du post rock (de peu devant l'arc islandais-danois-norvégien, et la scène indépendante de Chicago) Constellation y est pour beaucoup. Il y a d'abord, dès 1997, le monstrueux collectif Godspeed You! Black Emperor (par contre c'est lourd à écrire). Le genre de groupe formé par quelques chômeurs et des feignasses de gauchistes qui a totalement révolutionné l'approche de la musique moderne, par sa création et son éxécution. Dire qu'il y a eu un avant et un après Godspeed dans le monde du rock ne serait absolument pas exagérer. Les titres "Like Antennas to Heaven" ou "the dead Flag Blues" devraient assez aisément vous convaincre.
Mais passons, passons... Dans le post Rock il y a aussi eu A Silver Mt. Zion. Un groupe prolifique de Post rock, c'est rare, et d'excellente facture, c'est introuvable. A Silver Mt. Zion pourrait être un orchestre dirigé par le Max Richter de la grande époque (les années 2004-2006 avec "The Blue Notebooks").
Moya, guitariste de Godspeed! en premier plan
Et enfin dans le post Rock québécois, citons l'ovni de l'année 2011. Efrime "Manuel" Menuck, "Plays High Gospels". J'ai l'impression que le monde de la musique est passé à côté d'un grand objet de la contre culture musicale. Le barbu qu'est Efrim Menuck a frappé un grand coup. Les titres "Our Lady Of Parc Extension" ou "I'm no longer a motherless Child" racontent l'histoire d'un émigré arrivé il y a plus de vingt ans au Canada et ses combats en tant que militant alter-mondialiste. C'est la bande son biographique d'un artiste déchiré entre son adaption à un pays du nord économique et ses grandes idées libertaires. Pour répondre à la critique du site magicrpm qui aime bien dénigrer les bons cds sans justifications: Ce n'est qu'un projet solo qui pouvait répondre aux exigences que demande un tel projet d'introspection!
N'oublions pas les autres signatures de Vic Chesnutt (paix à son âme) ou encore Do make Say Think (dont je conseille le très bon "you, you're history in rust")


Une autre musique.                                                                                                                                                                      Alter, Autogestionnaire, libertaire. voila ce qui doit ressortir à travers la très souvent instrumentale musique de Constellation. L'émotion au service du son.

Première parution dans "Vaste programme" janvier/février 2012

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