Symphonie de Blabla hiver 2010/2011
Petit article décalé d'une grande année
L'actualité
musicale fut intense ces derniers mois. Récemment nous avons assisté
aux sorties des CDs de groupe tel que Radiohead ou de The
Strokes, mais également à la « mort » de LCD
Soundsystem et plus localement à celle de Noir Désir.
Toujours
dans l'ombre des grandes multinationales, les groupes indépendants
se font une place avec l'aide d'un public en continuel
agrandissement. Ainsi le groupe écossais Mogwaï fut même
diffusé à la radio tandis que le noise rock des Pains Of Being
Pure at Heart a réussi à paraître dans plusieurs magazines
culturels en France.
Il y
a plusieurs façons de penser à la musique en général. Parfois
lorsque l'on s'assoit pour faire une liste, on pense aux chansons qui
semblent importantes - peut être ont-elles changé la musique ou
furent emblématiques d'une culture alors en rigueur. Puis on pense
aux morceaux qui nous font nous sentir bien quelque soit le moment où ils arrivent. On entend les premières notes, on se rappelle
de tout ce que cette chanson a fait pour nous, l'enthousiasme
grandit, on veut chanter le long du morceau- eh! Ils arrivent déjà
au refrain...
Pourtant,
cette courte période avait mal commencé....
Souvenez-vous...
fin novembre, Noir Désir disparaissait. À L'inverse de
LCD Soundsystem qui s'est offert un show de trois heures au
Madison Square Garden pour dire adieu à la scène, Noir Désir
a publié un communiqué de trois lignes annonçant la mort du héraut
du rock français.
Un monstre sacré de la musique vient de s'éteindre.
Le mardi 30 novembre 2010, le plus grand groupe français de tous les
temps a rendu les armes. Le groupe vient d'éclater. Quel
choc...quel vide tout un coup.
Je m'en rappelle, j'avais douze ans lorsque j'ai entendu pour la
première fois un morceau de Noir Désir, « le vent
l'emportera ». Ma sœur venait de m'offrir Des visages des
figures, elle avait alors déclenché en moi une passion, la
musique. Dès les premières notes de Des visages des figures,
la basse enjôleuse de « l'enfant Roi », les vers lancés
par Bertrand Cantat, j'étais tombé amoureux.
Leur manège m'enchantait.
Par la suite, je découvris leur entière discographie. De Où
veux-tu que je regarde à Nous n'avons fait que fuir en
passant par Veuillez rendre l'âme et Du ciment sous les
plaines. J'allais de chefs d'œuvre en chefs d'œuvre.
Et jamais depuis le jour où j'ai découvert Noir Désir ne
passe une journée sans que je n'écoute un de leurs morceaux. Ils
sont rentrés dans ma vie et ils en ont pris part. Quoiqu'il arrive
je suis toujours accompagné, chacun de leur texte s'accordant à un
moment vécu.
Du Grunge avec Tostaky en 1992, du rock pur et dur en 1996
avec 666.667 club et un CD accomplie et merveilleusement
produit en 2001 Des visages, des figures. Tout! Ils ont tout
fait! Mais quel autre groupe en
France à une aussi large palette de style? Un groupe, a t-il un jour
égalé les vers emplis de romantisme de Noir Désir? Cette
rage musicale et cette douceur d'écriture?
Je
ne veux même pas rappeler leurs différentes victoires de la
musique, le groupe lui-même n'en faisait que peu de cas, je préfère
rappeler leur prise de position durant cette même cérémonie lors
de laquelle, dans une lettre adressée directement au « camarade
PDG » Jean Marie Messier, ils critiquaient d'une si belle
manière la mondialisation capitaliste avec notamment cette phrase
(Jean Luc Delarue s'en rappelle encore) : « Nous
ne sommes pas dupes de ton manège, et si nous sommes tous embarqués
sur la même planète, on n'est décidément pas du même monde »
Ils posaient un regard critique sur le monde qui les entourait. Un
don de l'écriture, une prose magnifique.
Un
CD en particulier, Tostaky
(en
92), a marqué au fer blanc la musique française. Jamais du rock
n'avait été aussi fort. Un grunge (« here it comes slowly »)
made in France voit le jour.
Magnifique,
engagé, puissant. Il réinvente le noise rock (« one trip, one
noise ») et surtout, d'un riff d'un seul, Noir
Désir
va devenir la figure de proue de la musique française: Tostaky(le
continent), « Tout est ici », en est la traduction
littéralle. 5 minutes jamais égalées. Furieux constat, suivi d'un
solo de guitare légendaire, ces breaks fabuleux qui précédaient
les refrains et ces éclairs de génie lors de la strophe finale
« Ils disent qu'ils ont compris/Qu'il n'y a plus
le choix/Que l'esprit qui souffle/Guidera leurs pas »
Quel
autre groupe a réussi à mêler le romantisme de Gérard De Nerval,
les spleens adolescents des Beatles mais aussi l'engagement de
l'écriture de Brassens et Léo Ferré?
Un monument de France vient de s'écrouler.
Bon il n'y a pas eu que des « morts » ces
derniers mois.
Certains groupes ont confirmé qu'ils étaient bien
vivants et plus en forme que jamais.
Commençons par ce groupe canadien, Destroyer.
Comme le nom ne le laisse pas du tout deviner, il s'agit d'un groupe
de « Lite Jazz » (et non de métal), c'est à dire une
sorte de folk avec des rythmes binaires qui font plus penser à un
semblant d'hyperdub qu'à une quelconque rythmique jazz.
Dan Bejar, qui est aussi le leader des New
Pornographers, est cette fois-ci accompagné de quelques cuivres
et d'une bonne dizaine de musiciens.
L'arrivée en masse des cuivres dans la musique de
Destroyer est une chose assez nouvelle. Jamais dans leurs précédents
CDs comme Streethawk ou Trouble In Dream, Destroyer
n'avait autant usé du saxophone, du cornet ou même de la trompette.
Sur Kaputt, l'apport subtil de ces instruments qui sont
d'habitude mis en valeur dans des solos interminables ont ici le rôle
plus modeste (mais noble) d'appuyer des lignes mélodiques
franchement classes. Le titre « Suicide Demo For Kara Walke »
ou le morceau éponyme illustre l'apport très intéressant de ces
instruments à vent.
Daniel Bejar |
En plus de ces morceaux complexes viennent s'ajouter des
titres beaucoup plus pop aux mélodies prenantes comme « Chinatown »
: morceau plaisant, véritable « tube » de trois minutes.
Mis à part « Chinatown », les amateurs du
couplet-refrain vont être déçu avec Kaputt.
Dan Bejar, comme il avait déjà commencé sur leur
précédent CD Trouble In Dream, parle plus qu'il ne chante.
Parfois il mélange les deux comme sur le morceau « Song For
America », titre qui fait également partie des nombreux points
forts de Kaputt.
Kaputt se
termine sur le morceau le plus bizarre de ce début d'année: « Bay
of Pings ». Enchevêtrement sur onze minutes d'éléctro,
d'étranges boites à rythmes et du chant encore plus éraillé que
d'habitude de Dan Bejar. D'abord inaccessible, à force d'écoutes
multiples, ce morceau dévoile petit à petit des trésors cachés et
des moments vraiment plaisants.
Un bon CD en somme.
De l'autre côté de l'Atlantique (le nôtre en fait),
Mogwaï, un groupe de post rock écossais, sortait leur
septième CD : Hardcore Will Never Die, But You Will.
Eh beh ! On peut pas dire qu'ils se soient renouvelés.
C'est malheureusement le genre de groupe qui après avoir publié un
magnifique premier CD (Mogwaï young Team), cherche
continuellement à l'égaler sans jamais réussir. Déjà sur le CD
précédent, The Hawk Is Howling, quelques longueurs lassantes
étaient présentes, et certains morceaux étaient franchement
pénibles (« Kings Meadow » sérieux, c'est quoi ça?! )
Il ne faut pas être totalement mauvaise langue non
plus!
D'abord l'apparition d'une voix, chose rare pour Mogwaï
qui est à la base uniquement instrumental.
Sur « George Square Thatcher Death Party »,
une voix est présente, certes modifiée et « vocodée »
comme c'est pas possible, mais l'arrivée de ces voix et cœurs
apportent un souffle nouveau par rapport aux albums précédents. De
plus, Hardcore est trois fois plus accessible que ses prédécesseurs.
Le son de Mogwaï s'est arrondi dans ce sens.
Guitares vrombissantes et nappes éléctro toujours
aussi compactes, certains morceaux dotés d'un souffle héroïque
comme « How To Be A Werewolf » ou « Mexican Grand
Prix » attire naturellement l'oreille.
Mieux que The Hawk Is Howling, mais tellement
loin de Young Team, Hardcore Will Never Die But You Will
ne marquera pas l'histoire de la musique.
Ok, Destroyer et Mogwaï ne sont pas des
groupes très connus. Mais le mois de Février et de Mars m'ont rendu
un fier service à ce sujet. C'est-à-dire : faire paraître un CD de
Radiohead et des Strokes.
Le premier The Kings Of Limb, est sorti de nulle
part au milieu de février. Radiohead, groupe friand du très saint
« buzz » annonça un lundi, que leur huitième album
sortirait dans cinq jours. Ainsi ils prenaient de court tout le petit
monde de la musique. Petit jeu devenu leur favori depuis la sortie
également spéciale de leur septième CD, In Rainbow.
The Kingd Of Limbs se distingue par une
production à couper le souffle et une... euh une... ah, non c'est
tout en fait.
Voilà ce que l'on pourrait appeler le syndrome Satriani
ou Massive Attack. Une production parfaite et une technique
ébouriffante, mais pas, ne serait-ce que quelques instants, la lueur
d'une émotion. Autrefois Radiohead nous faisait pleurer avec des
morceaux comme « Exit Music » ou « Lucky »,
plus récemment des titres de In Rainbow apportaient également
leurs lots d'émotion, notamment avec « All I Need » et
« Reckoner ». Mais là, mis à part « Give Up The
Ghost » et peut être « Separator », The King Of
Limb est vide de sentiments. Et pour un groupe du calibre de
Radiohead, cela pourrait être qualifié d'embêtant...
Il faut absolument voir le clip de "Lotus Flower", il est juste hilarant et les remixes du clip sont tout simplement magiques (notamment celui là http://www.youtube.com/watch?v=Ml8RkVu7N1A&feature=fvst)
Dans le club des groupes à dix milles seeds par jour,
The Strokes a également sorti son cd : Angles...
éléctro Pop à souhait, dans la veine du CD solo de Julian
Casablancas Phrazes for the Young. Au feu l'esprit rock
garage de leur premier CD Is This It. A l'image des titres
« Games » et « Life Is Easy In The Moonlight »
remplis de synthés franchement douteux.
Se renouveler est une bonne chose. Mais sauter dans
l'inconnu n'est pas non plus une bonne idée. Ils donnent (sans doute
à tord) l'impression d'avoir découvert des claviers et de s'amuser
comme des gosses avec. Puis sérieux, la musique (comme la pochette)
est vraiment kitsch. Écoutez l'intro de « Two Kinds Of
Happiness ». On pourrait croire à un vieux soundsystem des
Bee Gees. En fait ce n'est pas kitsch, c'est moche. Impossible
de rentrer dedans. Après avoir écouté Angles en boucle (je
suis un grand fan des Strokes) impossible d'éprouver de la
sympathie pour le petit (35 minutes -argh-!) dernier des Strokes.
Le tableau n'est pas totalement noir.
Deux rescapés méritent d'être cités. D'abord le
titre d'ouverture « Machu Picchu ». Morceau riche dans
lequel Julian Casablancas nous régale de sa voix hors norme, le
succès de ce titre doit aussi beaucoup à Albert Hammond Jr, LE
grateux du groupe ; qui enchaîne lignes de guitare et riffs
efficaces.
Puis il y a ce
morceau, sans doute le meilleur du CD : « Taken For A Fool ».
Sur ce titre The
Strokes se libère des
conventions et des règles. Sur le couplet la voix de Casablancas
fait méchamment penser à celle d'Annie
Lennox pour le
meilleur des effets. Puis quelques breaks plus tard et un
post-refrain vraiment superbe, le second couplet déboule et subit
une agréable variation montrant la richesse et le talent d'un groupe
sans doute loin d'être mort.
Il y a aussi eu de bons Cds, ces derniers temps, rien d'exceptionnel cependant. Sans doute que la palme reviendrait au troisième CD d'Alamo Race Track, groupe Hollandais (sans rire) qui répond au joli nom de Unicorn Loves Deer. De qualité égale à ses prédécesseurs, Unicorn... se démarque en plus par des arrangements plus riches, et des morceaux moins faciles. Moins « tubesque » que Birds At Home et Black Cat John Brown, Unicorn Loves Deer prouve qu'une musique complexe peut être aussi efficace qu'un empilement de morceaux au format classique.
Gros coup de cœur pour le morceau éponyme et le titre
« Shakes Off The Leaves » qui rassemble la folie des
débuts et la maturité musicale d'un groupe rompu à l'exercice.