mercredi 29 février 2012

Blabla hiver 2010-2011


Symphonie de Blabla hiver 2010/2011
Petit article décalé d'une grande année

L'actualité musicale fut intense ces derniers mois. Récemment nous avons assisté aux sorties des CDs de groupe tel que Radiohead ou de The Strokes, mais également à la « mort » de LCD Soundsystem et plus localement à celle de Noir Désir.
Toujours dans l'ombre des grandes multinationales, les groupes indépendants se font une place avec l'aide d'un public en continuel agrandissement. Ainsi le groupe écossais Mogwaï fut même diffusé à la radio tandis que le noise rock des Pains Of Being Pure at Heart a réussi à paraître dans plusieurs magazines culturels en France.

Il y a plusieurs façons de penser à la musique en général. Parfois lorsque l'on s'assoit pour faire une liste, on pense aux chansons qui semblent importantes - peut être ont-elles changé la musique ou furent emblématiques d'une culture alors en rigueur. Puis on pense aux morceaux qui nous font nous sentir bien quelque soit le moment où ils arrivent. On entend les premières notes, on se rappelle de tout ce que cette chanson a fait pour nous, l'enthousiasme grandit, on veut chanter le long du morceau- eh! Ils arrivent déjà au refrain...

Pourtant, cette courte période avait mal commencé....
Souvenez-vous... fin novembre, Noir Désir disparaissait. À L'inverse de LCD Soundsystem qui s'est offert un show de trois heures au Madison Square Garden pour dire adieu à la scène, Noir Désir a publié un communiqué de trois lignes annonçant la mort du héraut du rock français.
Un monstre sacré de la musique vient de s'éteindre.
Le mardi 30 novembre 2010, le plus grand groupe français de tous les temps a rendu les armes. Le groupe vient d'éclater. Quel choc...quel vide tout un coup.
Je m'en rappelle, j'avais douze ans lorsque j'ai entendu pour la première fois un morceau de Noir Désir, « le vent l'emportera ». Ma sœur venait de m'offrir Des visages des figures, elle avait alors déclenché en moi une passion, la musique. Dès les premières notes de Des visages des figures, la basse enjôleuse de « l'enfant Roi », les vers lancés par Bertrand Cantat, j'étais tombé amoureux.
Leur manège m'enchantait.
Par la suite, je découvris leur entière discographie. De Où veux-tu que je regarde à Nous n'avons fait que fuir en passant par Veuillez rendre l'âme et Du ciment sous les plaines. J'allais de chefs d'œuvre en chefs d'œuvre.
Et jamais depuis le jour où j'ai découvert Noir Désir ne passe une journée sans que je n'écoute un de leurs morceaux. Ils sont rentrés dans ma vie et ils en ont pris part. Quoiqu'il arrive je suis toujours accompagné, chacun de leur texte s'accordant à un moment vécu.
Du Grunge avec Tostaky en 1992, du rock pur et dur en 1996 avec 666.667 club et un CD accomplie et merveilleusement produit en 2001 Des visages, des figures. Tout! Ils ont tout fait! Mais quel autre groupe en France à une aussi large palette de style? Un groupe, a t-il un jour égalé les vers emplis de romantisme de Noir Désir? Cette rage musicale et cette douceur d'écriture?
Je ne veux même pas rappeler leurs différentes victoires de la musique, le groupe lui-même n'en faisait que peu de cas, je préfère rappeler leur prise de position durant cette même cérémonie lors de laquelle, dans une lettre adressée directement au « camarade PDG » Jean Marie Messier, ils critiquaient d'une si belle manière la mondialisation capitaliste avec notamment cette phrase (Jean Luc Delarue s'en rappelle encore) : « Nous ne sommes pas dupes de ton manège, et si nous sommes tous embarqués sur la même planète, on n'est décidément pas du même monde »
Ils posaient un regard critique sur le monde qui les entourait. Un don de l'écriture, une prose magnifique.

Un CD en particulier, Tostaky (en 92), a marqué au fer blanc la musique française. Jamais du rock n'avait été aussi fort. Un grunge (« here it comes slowly ») made in France voit le jour.
Magnifique, engagé, puissant. Il réinvente le noise rock (« one trip, one noise ») et surtout, d'un riff d'un seul, Noir Désir va devenir la figure de proue de la musique française: Tostaky(le continent), « Tout est ici », en est la traduction littéralle. 5 minutes jamais égalées. Furieux constat, suivi d'un solo de guitare légendaire, ces breaks fabuleux qui précédaient les refrains et ces éclairs de génie lors de la strophe finale « Ils disent qu'ils ont compris/Qu'il n'y a plus le choix/Que l'esprit qui souffle/Guidera leurs pas »

Quel autre groupe a réussi à mêler le romantisme de Gérard De Nerval, les spleens adolescents des Beatles mais aussi l'engagement de l'écriture de Brassens et Léo Ferré?
Un monument de France vient de s'écrouler.

Bon il n'y a pas eu que des « morts » ces derniers mois.
Certains groupes ont confirmé qu'ils étaient bien vivants et plus en forme que jamais.
Commençons par ce groupe canadien, Destroyer. Comme le nom ne le laisse pas du tout deviner, il s'agit d'un groupe de « Lite Jazz » (et non de métal), c'est à dire une sorte de folk avec des rythmes binaires qui font plus penser à un semblant d'hyperdub qu'à une quelconque rythmique jazz.
Dan Bejar, qui est aussi le leader des New Pornographers, est cette fois-ci accompagné de quelques cuivres et d'une bonne dizaine de musiciens.
L'arrivée en masse des cuivres dans la musique de Destroyer est une chose assez nouvelle. Jamais dans leurs précédents CDs comme Streethawk ou Trouble In Dream, Destroyer n'avait autant usé du saxophone, du cornet ou même de la trompette. Sur Kaputt, l'apport subtil de ces instruments qui sont d'habitude mis en valeur dans des solos interminables ont ici le rôle plus modeste (mais noble) d'appuyer des lignes mélodiques franchement classes. Le titre « Suicide Demo For Kara Walke » ou le morceau éponyme illustre l'apport très intéressant de ces instruments à vent.
Daniel Bejar
En plus de ces morceaux complexes viennent s'ajouter des titres beaucoup plus pop aux mélodies prenantes comme « Chinatown » : morceau plaisant, véritable « tube » de trois minutes. Mis à part « Chinatown », les amateurs du couplet-refrain vont être déçu avec Kaputt.
Dan Bejar, comme il avait déjà commencé sur leur précédent CD Trouble In Dream, parle plus qu'il ne chante. Parfois il mélange les deux comme sur le morceau « Song For America », titre qui fait également partie des nombreux points forts de Kaputt.
Kaputt se termine sur le morceau le plus bizarre de ce début d'année: « Bay of Pings ». Enchevêtrement sur onze minutes d'éléctro, d'étranges boites à rythmes et du chant encore plus éraillé que d'habitude de Dan Bejar. D'abord inaccessible, à force d'écoutes multiples, ce morceau dévoile petit à petit des trésors cachés et des moments vraiment plaisants.
Un bon CD en somme.

De l'autre côté de l'Atlantique (le nôtre en fait), Mogwaï, un groupe de post rock écossais, sortait leur septième CD : Hardcore Will Never Die, But You Will.
Eh beh ! On peut pas dire qu'ils se soient renouvelés. C'est malheureusement le genre de groupe qui après avoir publié un magnifique premier CD (Mogwaï young Team), cherche continuellement à l'égaler sans jamais réussir. Déjà sur le CD précédent, The Hawk Is Howling, quelques longueurs lassantes étaient présentes, et certains morceaux étaient franchement pénibles (« Kings Meadow » sérieux, c'est quoi ça?! )
Il ne faut pas être totalement mauvaise langue non plus!
Deux, trois changements sont présents sur Hardcore...
D'abord l'apparition d'une voix, chose rare pour Mogwaï qui est à la base uniquement instrumental.
Sur « George Square Thatcher Death Party », une voix est présente, certes modifiée et « vocodée » comme c'est pas possible, mais l'arrivée de ces voix et cœurs apportent un souffle nouveau par rapport aux albums précédents. De plus, Hardcore est trois fois plus accessible que ses prédécesseurs. Le son de Mogwaï s'est arrondi dans ce sens.
Guitares vrombissantes et nappes éléctro toujours aussi compactes, certains morceaux dotés d'un souffle héroïque comme « How To Be A Werewolf » ou « Mexican Grand Prix » attire naturellement l'oreille.
Mieux que The Hawk Is Howling, mais tellement loin de Young Team, Hardcore Will Never Die But You Will ne marquera pas l'histoire de la musique.

Ok, Destroyer et Mogwaï ne sont pas des groupes très connus. Mais le mois de Février et de Mars m'ont rendu un fier service à ce sujet. C'est-à-dire : faire paraître un CD de Radiohead et des Strokes.

Le premier The Kings Of Limb, est sorti de nulle part au milieu de février. Radiohead, groupe friand du très saint « buzz » annonça un lundi, que leur huitième album sortirait dans cinq jours. Ainsi ils prenaient de court tout le petit monde de la musique. Petit jeu devenu leur favori depuis la sortie également spéciale de leur septième CD, In Rainbow.
The Kingd Of Limbs se distingue par une production à couper le souffle et une... euh une... ah, non c'est tout en fait.
Voilà ce que l'on pourrait appeler le syndrome Satriani ou Massive Attack. Une production parfaite et une technique ébouriffante, mais pas, ne serait-ce que quelques instants, la lueur d'une émotion. Autrefois Radiohead nous faisait pleurer avec des morceaux comme « Exit Music » ou « Lucky », plus récemment des titres de In Rainbow apportaient également leurs lots d'émotion, notamment avec « All I Need » et « Reckoner ». Mais là, mis à part « Give Up The Ghost » et peut être « Separator », The King Of Limb est vide de sentiments. Et pour un groupe du calibre de Radiohead, cela pourrait être qualifié d'embêtant...
Il faut absolument voir le clip de "Lotus Flower", il est juste hilarant et les remixes du clip sont tout simplement magiques (notamment celui là http://www.youtube.com/watch?v=Ml8RkVu7N1A&feature=fvst)

Dans le club des groupes à dix milles seeds par jour, The Strokes a également sorti son cd : Angles... éléctro Pop à souhait, dans la veine du CD solo de Julian Casablancas Phrazes for the Young. Au feu l'esprit rock garage de leur premier CD Is This It. A l'image des titres « Games » et « Life Is Easy In The Moonlight » remplis de synthés franchement douteux.
Se renouveler est une bonne chose. Mais sauter dans l'inconnu n'est pas non plus une bonne idée. Ils donnent (sans doute à tord) l'impression d'avoir découvert des claviers et de s'amuser comme des gosses avec. Puis sérieux, la musique (comme la pochette) est vraiment kitsch. Écoutez l'intro de « Two Kinds Of Happiness ». On pourrait croire à un vieux soundsystem des Bee Gees. En fait ce n'est pas kitsch, c'est moche. Impossible de rentrer dedans. Après avoir écouté Angles en boucle (je suis un grand fan des Strokes) impossible d'éprouver de la sympathie pour le petit (35 minutes -argh-!) dernier des Strokes.
Le tableau n'est pas totalement noir.
Deux rescapés méritent d'être cités. D'abord le titre d'ouverture « Machu Picchu ». Morceau riche dans lequel Julian Casablancas nous régale de sa voix hors norme, le succès de ce titre doit aussi beaucoup à Albert Hammond Jr, LE grateux du groupe ; qui enchaîne lignes de guitare et riffs efficaces.
Puis il y a ce morceau, sans doute le meilleur du CD : « Taken For A Fool ». Sur ce titre The Strokes se libère des conventions et des règles. Sur le couplet la voix de Casablancas fait méchamment penser à celle d'Annie Lennox pour le meilleur des effets. Puis quelques breaks plus tard et un post-refrain vraiment superbe, le second couplet déboule et subit une agréable variation montrant la richesse et le talent d'un groupe sans doute loin d'être mort.

 Il y a aussi eu de bons Cds, ces derniers temps, rien d'exceptionnel cependant. Sans doute que la palme reviendrait au troisième CD d'Alamo Race Track, groupe Hollandais (sans rire) qui répond au joli nom de Unicorn Loves Deer. De qualité égale à ses prédécesseurs, Unicorn... se démarque en plus par des arrangements plus riches, et des morceaux moins faciles. Moins « tubesque » que Birds At Home et Black Cat John Brown, Unicorn Loves Deer prouve qu'une musique complexe peut être aussi efficace qu'un empilement de morceaux au format classique.
Gros coup de cœur pour le morceau éponyme et le titre « Shakes Off The Leaves » qui rassemble la folie des débuts et la maturité musicale d'un groupe rompu à l'exercice.

Islands, A Sleep And A Forgetting

A Sleep and a Forgetting, Islands, 2012
ANTI-

Il y a eu plusieurs séismes en Amérique du nord en 2003.
Mais pour une fois, ce ne sont pas les Etats Unis qui ont servi de théâtre aux épicentres de ces tremblements de terre. Déjà, début janvier, il était annoncé que le "super méga groupe indépendant de l'année" allait être canadien. Ils ont un nom d'animal, ils ont l'air un peu fou et en plus ils font du lo-fi.
Bingo.
Ils s'appellent the Unicorns et leur Cd "who will cut our hair when we're gone" va tout casser. Et c'est exactement ce qui va arriver. Le succès était programmé. Critiques élogieuses (le 8.9 de pitchfork) et influence étonnamment importante à leur concert. The Unicorns enchaînent la même année une tournée mondiale... un début de carrière parfait en somme.
Mais, un canadien en cache un autre.
Nick "Diamond" Thorburn
Un collectif, plus qu'un groupe, du nom de Broken Social Scene qui était pour le coup absolument anonyme et pas attendu par qui que ce soit à plus de 100 mètres de certains quartiers de Montréal sort fin 2003 un grand disque de musique moderne: "You forgot it In people": Magnifique brouhaha, capharnaüm grandiose et morceaux plus héroïques les uns que les autres. "You Forgot It In People" pourrait aisément être la bande son des douze travaux d'hercules. Le souffle épique mené en grande partie par de l'instrumental (60% de l'album) nous amène du premier morceau "capture the flag" à la conclusion "Pitter Patter Goes My Heart" en surtension et le coeur à 100 à l'heure. Avec quatre guitares à la Titus Andronicus, les titres "cause = time" ou "lover's spit" font office de tornades au milieu de la tempête que provoquera les 12 titres de "You Forgot it in People".
A noter que c'est le collectif Broken Social Scene qui fera émerger Feist au niveau de la scène internationale.
Les excentriques de the Unicorns avaient choisi un petit groupe pour faire leur première partie qui venait de sortir un petit ep: Arcade Fire.
La chose est comique quand on sait la tournure que vont prendre les choses. Sur 100 personnes, 75 connaissent Arcade Fire, 5 connaissent the Unicorns. (D’après un sondage TNS Sofres).
La même année, l'aventure des Unicorns prendra fin brutalement sur scène. Le leader, Nick Diamonds (que Dieu le bénisse) quitte la scène, insulte une dernière fois ses deux compagnons et déclare ne plus supporter son train de vie. Ainsi the Unicorns meurt au sommet de leur fulgurante carrière. Diamonds prend des vacances et plus aucun son n'émanera de son pied à terre en Californie pendant plus de trois ans.
Entre temps, le Canada ne l'a pas attendu pour s'inviter au rang de pôle majeur et plaque tournante de la musique en général. Que ce soit avec Dan Bejar avec l'explosion de The New Pornographers ou de Destroyers ou même avec l'arrivée fracassante en 2004 de Funeral d'Arcade Fire. Il y a également le départ prometteur-menteur de Patrick Watson avec Channel 9 et plus tard les francophones de Karkwa qui se faisaient connaître avec leur second album, Les Tremblements s'immobilisent. N'empêche, Karkwa sont les derniers français depuis Charlebois à faire paraître leur "Tounes" dans le top 50 canadien (avec "le pyromane" il me semble...)
Bref, c'est donc oublié du grand public mais attendu des critiques que Nick Diamonds revient avec son nouveau groupe accompagné de son ancien batteur (ex unicorns) J'aime Tombeur (c'est son nom) sous le nom d'Islands.
En 2006, leur premier cd s'appelle "Return To The Sea" avec à la guitare et à la production Will Butler (le frère de Win) et déjà Islands s'inscrit comme la juste évolution des Unicorns: Toujours peu accessible mais contenant pour une fois des motifs de grande beauté. L'attente construite pour arriver à l'accord juste qui frappe et accroche. De doux moments (Swans) et d'irrésistibles balades (Don't Call me Whitney, Bobby et Bucky Little Wing).
Il y a presque six ans, j'entendais pour la première fois "Return To The Sea" et sa superbe ouverture. J'étais en vacances, en juin 2006, chez mon frère alors au chômage, je revenais de la claustro Martinique pour retrouver les espaces des Alpes. Et c'est sur une longue et lente sinueuse route de montagne que mon frère avait glissé le fameux "Life After Death". A cette époque alors, Islands était pour moi un groupe qui prenait le temps d'être décalé. Où la basse syncopé couplé avec le riff heureux et léger étaient en symbiose avec le balancement des routes. Pour mon frère, c'était le reflet de son "dépit d'avoir du temps de libre" et pour moi les vertigineux presque 100 jours de vacances qui m'attendaient: joyeux, mais pas beaucoup plus.
Plus tard en 2008 Islands sort leur deuxième cd, Arm's Way. En France il fut accueilli avec un certain succès. Je suis prêt à parier que ce succès français est largement dû à Deezer. A la rentrée 2008, Deezer est en plein boum: son interface vient d'être refaite et son nombre d'adhérents se multiplie de jour en jour. C'est à ce moment-là que la plateforme musicale avait choisi de mettre en page d'accueil le second cd d'Islands durant presque deux semaines. Paradoxalement, Arm's Way n'est pas le meilleur album du groupe canadien. Trop symphonique, trop pompeux, trop de violons dans tous les sens. Il y a toujours ces mélodies classes (The Arms, Kids Don't Know Shits) mais sérieux ça devient carrément nimp' au bout de la première minute. D'ailleurs, ça a un effet presque comique à la longue.
Un an plus tard, ils commettaient leur pire forfait, ovni en France, "Vapours" est passé inaperçu et pour cause. A partir de la 10ème seconde du second titre No You don't on comprend que Nick Diamonds a totalement craqué. Electro moche, sons ringards et le vocodeur sur Heartbeats sont autant de choses qui font de Vapours une erreur avant tout autre chose.
Accueil des critiques en forme de grand écart. Islands après un départ en or, continue à tracer sa route dans le monde indépendant sans plus d'éclat, le génie les ayant délaissé. Vivant comme n'importe quel groupe malgré le prestigieux passé des Unicorns, est désormais très très loin derrière eux.



Avec A Sleep And a Forgetting, Islands devient un drôle de mutant : il y a du Tindersticks la dedans. Le Tindersticks de la fin des années 90 avec « Curtains » et « Waiting For The Moon ». Il y a cette même orchestration riche et classe où la finesse et l'assemblage des pistes sont une marque de fabrique. Là où Arm's way devenait vite trop gras, A Sleep s'affine avec richesse. Le morceau d'ouverture « In A Dream » illustre cette volonté d'être sobre et complexe à la fois. Deux guitares, quelques violons, une section rythmique, des claviers mais Islands reste calme. Tout s’enchaîne avec subtilité, chaque morceau devient un océan de sons ultra épurés. De plus Nick Diamonds a peut-être enfin trouvé la bonne voie. Il arrête de passer d'une octave à une autre sans arrêt. C'est désormais dans les tons les plus graves que ça voix évolue le mieux... c'est plutôt agréable après l'Auto Tune de Vapours et les glapissements de Arm's Way ! Le chant de Diamonds sur « Lonely Love » est magique.
Il y a également du regret dans ce cd. Chose habituelle, Diamonds s'inspire d’événements récents de sa vie pour écrire ce cd on parle beaucoup de sentiments impossibles à montrer, d'actes manqués et de larmes qui ne viennent jamais. Islands rajoute à ses crises existentielles quelques moments de grâces irrésistibles (comme le poignant « This Is Not A Song », qui vous mettra forcement à genoux) et vous obtenez la recette de A Sleep and a Forgetting : des textes graves et bizarrement sérieux pour Islands.
Du dépouillement élégant du plus beau titre de l'album « Oh Maria » au riche « Never Go Solo » en passant par l'étrange rythmique du très classe morceau de clôture « Same Thing » Islands se hisse au niveau de ces groupes classes qui savent placer des multitudes de pistes dans des grands environnements sobres. J'aime cette fine obscurité dans laquelle nous sommes forcés de plonger avec joie. Et ce qui est fou, c'est qu'on y retourne à chaque fois. L'unité de l'album nous engloutit sous sa masse et nous empêche de trop bouger et lorsqu'enfin on se dégage, « Hallways » reste gravé dans notre gorge. Impossible de se défaire tant les 11 titres sont justes bons et prenants. En plus son format frôle la perfection : 37 minutes pour 11 morceaux, ça c'est très bon.
Le seul petit point noir de l'album c'est le titre « Cold Again ». On ne sait pas trop ce qu'il fait là. Il casse l'univers et l'élan mélancolique au milieu des titres « Lonely Love », « Oh Maria » et « Don't I Love You ». Comme un anachronisme. Je ne remets pas en cause la qualité du morceau, mais plus son insertion et peut être même son intérêt. Mais ce n'est qu'une poussière dans les beaux motifs dessinés par Islands sur tout le reste de l'album.
Et devinez quoi... Islands est accessible ! Nick Diamonds a tout fait pour qu'on trébuche sur A Sleep And a Forgetting et ça ne m'embête pas de tomber pour Islands. Je suis même à genoux.


mercredi 8 février 2012

Arcade Fire, The Suburbs

The Suburbs, Arcade Fire, 2010
Merge


Arcade Fire sort son troisième CD : The Suburbs (la banlieue). Après avoir réalisé avec succès leur deuil en 2005 avec leur album Funeral, et pleuré sur toutes les misères du monde sur Neon Bible paru en 2007, arrive maintenant ce CD de 16 titres (!!!).
Cette fois-ci Win et Will Butler se lamentent sur leur enfance passée dans une banlieue de Houston. De zéro à douze ans, les joies et les peines des frères Butler sont racontées pendant plus d’une heure et dix minutes sur cet album concept. Oui, car The Suburbs est un CD concept tout comme Funeral et Neon Bible et il est vrai qu’une nouvelle fois ce disque d’Arcade Fire possède une véritable unité, une logique. Sans jamais tomber dans la répétition, tous les morceaux se suivent sans aucun temps mort, toujours relié soit par une boucle électro, soit par un pont (qui d’ailleurs tombe parfois comme un cheveu sur la soupe, par exemple la transition entre les deux chansons Empty Room et City With no Children) mais qui peut être parfois assez génial (entre The suburbs et Ready to Start).
De plus, l’album est construit de manière à respecter la chronologie du temps, ainsi, en début d’album, on peut entendre Win Butler nous conter sa petite enfance sur des morceaux tels que The Suburbs et Ready To Start pour enfin nous parler de ses derniers moments en ces banlieues de Houston avec les deux derniers morceaux qui achèvent cet album : Sprawl 1 et 2.
Live d'arcade fire dans un ascenseur, à voir sur le site de la blogothèque
Ici, ne cherchez pas, il n’y a pas d’hymnes ni de morceau mythique comme il y avait dans Funeral avec les titres Neighbourough, Wake Up ou encore Rebellion. Vous trouverez « seulement » des morceaux de grande qualité, encore plus intimistes et moins abordables. Certes, les fans d’Arcade Fire seront ravis, mais les autres peuvent s’ennuyer quelques minutes pour finalement passer outre. Un CD long, sans aucun tube, aucun morceaux véritablement accrocheurs, mais ça, le couple leader d’Arcade Fire, Win Butler et Régine Chassagne s’en fichent royalement, pas plus intéressés par la succès commercial que par la future vente de ce Cd, ils feront à peu près tout pour se détacher de leur maison de production et paraître le plus « indépendant » possible. D’ailleurs, Win Butler a récemment déclaré dans un journal anglais : «  de toute façon, en ces temps troublés, l’industrie du disque va en chier, alors à quoi bon essayer d’en vendre ? » …/… « Cela peut être notre dernier disque, mais nous y avons mis le meilleur de nous-mêmes. The Suburbs est sans doute notre meilleur CD ».
Voilà qui est dit.
De toute façon, Arcade Fire n’est plus là pour faire ces preuves ou pour conquérir un public. S’il y a bien un groupe qui peut se permettre d’être de moins en moins accessible, c’est bien eux. Ainsi, The Suburbs est un excellent CD contenant plusieurs pépites comme Wasted Hours, The Sprawl(2), Deep Blue et srtout le morceau éponyme doté d’une ligne de piano extrêmement prenante au-dessus duquel vient se coller la voix de Win Butler, toujours belle et grave, qui atteint des sommets (jusqu’alors jamais entendu chez Arcade Fire). Propre et sérieux, Arcade Fire n’a pas faiblit pour passer l’étape du troisième album et devient même une valeur et une référence sûre du XXIe siècle dans le monde de la musique.                                          


Première parution dans le "pasteur déchaîné" novembre 2010

mercredi 1 février 2012

Shakira, Mitterrand, et les chevaliers des arts et des lettres



L'envie de faire un court poste fut soudaine lorsque j'ai entendu les infos ce matin.



La culture selon le ministre F. Mitterrand.


Bon déjà lorsque notre ministre avait supprimé Céline de la liste des célébrations nationales, quelque chose clochait.
Parfois, pour m'amuser, j'imaginais alors la tête de Fabrice Luchini entendant la nouvelle. Lui qui est un passionné de l'œuvre (oui, oui, de l'œuvre), qui en parlait avec passion sur les ondes de France Inter en nocturne entre 2h et 4h du matin, et enfin lui qui avait monté un spectacle se basant sur la récitation des textes de Céline.
Lui, il a dû faire 4 crises cardiaques lorsqu'il a entendu la nouvelle.


Ensuite, il y a eu Christophe Maé....
Oui, F. Mitterrand a fait de Christophe Maé Chevalier des Arts et des Lettres en 2011.


Alors ensuite la question s'impose: 
Est-ce que Mitterrand a des goûts musicaux qui dépassent l'humain ou est-il conseillé par de pauvres types?
À vous d'imaginer une scène: 
Celle de Malraux, qui, dans sa tombe, entend qu'un produit bidon et éphémère qui parle "mal la France" se voit décorer par un insigne qui est censé décorer "les personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu'elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde".


Christophe Maé a apporté une contribution au rayonnement des arts et des lettre
"Comme une flèche qui nous illusionne, oh non faut pas" 


Et désormais, voilà que Shakira se voit être décorée Chevaliers des Arts et des Lettres aujourd'hui même.
Cette ambassadrice du bon gout et du féminisme a sans doute conquis Mitterrand avec sa voix. Ou son talent.
Enfin peu importe, elle a vendu un paquet de CDs et en plus elle « buzz » avec sa reprise pourrave de Cabrel "Je l'aime à mourir".
En plus, pour ceux qui ne savent pas, Cabrel avait déjà fait la version en espagnol. Oui, c'est une imposture.


Chevalier des arts et des lettres…
Enfin, vu désormais l'insignifiance de la chose, on peut même encore s'étonner qui la "donne" encore.
En effet, 200 personnes sont décorées tous les 6 mois de cette médaille.
Ainsi, pour le fun, je vais citer quelques "chevaliers" (véridique) :
-M.Solly, directeur général adjoint de TF1
-M.Schmit, Notaire (oui, notaire)
-M.Trique, titulaire des orgues de la cathédral de Laval (en fait, lui, je l'ai mis pour son nom)
-M. Aliagas, euh... 


Voilà maintenant ma liste que je vais envoyer aux spécialistes de la culture française :
- Mon voisin qui fait du piano tous les matins à 5h
- Mickael Vendetta
- un pigeon
- F. Mitterrand (la boucle est bouclée)
- Franky Vincent
- Doc Gynéco
- BHL