‘Allelujah ! Don’t Bend ! Ascend !, Godspeed
you! Black Emperor, 2012 Constellation Records
Comme
un miracle d’abord ! Comme un mirage ensuite. GY!BE est revenu plus
attendu que jamais. Désormais appelé « Hype Speed you ! Hype
Emperor », le groupe phare du label québécois Constellation et du post
rock en général, a enfin donné un successeur à album controversé datant de 2002
« Yanqui U.X.O ».
Je
suis un grand fan. Alors, lorsque Menuck
a soufflé à travers un micro pendant le concert du groupe à Boston le 1er
octobre, qu’un cd était sur le point de voir le jour, mon cœur s’est arrêté.
Puis a accéléré : j’ai fait trois syncopes.
C’est
là que tient le miracle. Enfin ! Les titres épiques de post rock
cinématique que sont sleep et Static ou encore le morceau de bravoure
musical et politique « the Dead Flag Blues » allaient enfin trouver
un écho une décennie plus tard. Les figures emblématiques de l’équipe (trente
en studio, une dizaine sur scène) GY!BE sont toujours là. En tête, le chef de
la bande Efrim « Manuel » Menuck, accompagné une nouvelle fois par
Mike Moya, Mauro Penzente (présents depuis 1992) et de la violoniste Sophie
Trudeau. Quant au guitariste/compositeur Tessier-Craig, il s’est retiré
définitivement pour se consacrer à son projet Fly Pan Am.
Toutes
les conditions étaient donc réunies : un casting digne d’un barça musical, une annonce
confidentielle, un cd vendu hors circuit (pour l’instant)… tous les ingrédients
du groupe de post rock engagé en somme.
Et
bien… le mirage se trouve ici.
‘Allelujah se compose de 4 titres pour
une durée de 50 minutes. Un connaisseur de GY!BE lèvera déjà un sourcil en
signe d’interrogation. Deux titres de drone rock de 6 minutes et deux autres
« vrais » morceaux d’instru épique. « Mladic » et « We
Drift Like Worried Fire » Sur ces deux derniers titres en question,
GY!BE reste fidèle à sa vieille recette.
Sur
Mladic, rythme martial
et riffs puissants. L’intégralité du titre rappelle beaucoup le mouvement gathering storm présent sur leur chef
d’œuvre datant de 2000 : Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven. En effet,
Une nouvelle fois, Godspeed part
d’un cadre classique pour évaluer vers des motifs complexes. Ainsi, Mladic
construit son paroxysme sur la répétition
d’une même piste durant le premier tiers du titre. Guitare en sourdine et
ambiance plus opaque que jamais, C’est sans
doute l’un des mouvements les plus sombres crées par Godspeed. Enfin arrive le thème principal du titre. A l’aide d’une
guitare très lourde d’abord, puis repris par l’ensemble de la formation
ensuite. La suite du titre est un travail sur ce thème. Au fur et à mesure GY!BE
module les pistes et laisse échapper des guitares puissantes rehaussées par une
rythmique très complète (deux batteries, une basse). La deuxième partie du
titre est aussi très rock. Exit nappe d’ambiance et bienvenue à la musique
concrète et binaire. Le break du titre
se situe à la treizième minute. Réverbes et effets sur les six cordes
accompagnent l’arrivée des violons et l’entrée en scène de Trudeau.
Orchestration classe qui se plie et qui donne de la profondeur au dernier tiers
du titre qui tire sur le post hardcore.
Alors,
ouai, c’est sûr, c’est un chouette titre. Mais pourquoi j’avais la sensation
d’avoir déjà entendu une grande partie de ce titre? Ou tout du moins de manière
remodelée ? Il se trouve en effet que Mladic n’est rien d’autre qu’une
refondation du titre Albanian
que le groupe joue en concert depuis 2001. En fait après écoute comparée, Mladic et Albanian sont identiques. La production diffère certes, mais quand
même, quelle déception de voir qu’un des deux titres de vingt minutes soit déjà
connu.
Imaginez
donc ma stupeur lorsque j’ai découvert que le titre We Drift Like Worried Fire était en réalité un autre nom donné au
titre lui aussi également connu des fans « Gamelan ». C’est exact, les
deux titres phares du dernier album de Godspeed
sont déjà connus depuis près de dix ans.
Je ne
parle pas des deux autres mouvements de l’album : Their Helicopter’ Sing et Strung
Like Light at Thee Printemps Erable. Parce qu’on ne va pas se mentir, le
drone rock, c’est chiant. Sérieux qui écoute ça pour le plaisir ? Si vous
ne savez pas ce que c’est, allez dans une gare écouter les trains qui passent.
Ça reviendra au même. En gros, le drone rock, ce sont des nappes éléctro très abstraites accompagnées par
des samples de machines de la vie quotidienne (mention spéciale pour les
hélicos et les trains) avec parfois dans le fond une cornemuse ou un violon en
distorsion.
Bien
sûr, un amateur de Post Rock va trouver son compte dans ‘Allelujah. Il va même sans doute adorer ces ambiances puissantes.
Peut-être même qu’il considérera les morceaux de drone rock comme des
interludes intéressants… Mais un fan de Godspeed you ! Black Emperor sera
énormément déçu. Les versions 2.0 de Gamelan
et d’ Albanian sont mieux que
les originales, mais après 10 ans d’absence, on était en droit de
demander plus qu’un vulgaire remodelage.
Sont-ils
donc revenus ? Le mirage reste entier.